Ma vie est une série de thérapies, une thérapie en série. La toute première, à 14 ans en pleine dépression-avec-idéation-suicidaire, que mes parents ont interrompu à ses débuts parce qu'ils se disputaient la pension et que la thérapie, ça coûte cher.
Ensuite au CLSC, une dépression plus tard, où on m'a référée au centre Dollard-Cormier pour jeunes toxicomanes. Sauf qu'à ce centre, on traite la consommation, mais pas ce qu'on tente d'ensevelir au fond du verre. Arrêter de boire a juste déterré mon mal-être. L’a mis en lumière. On es pas plus avancé.
Passer deux ans ensuite à convaincre mon psychiatre que c'est ben beau me bourrer de pilules, mais que les bobos dans ma tête ont une origine, une cause, et que ça ne ferait pas de mal de les dépoussiérer. L'EMDR que ça s'appelle, pour les polytraumatisés en PTSD. On soigne des acronymes, pas des gens.
Dès qu’on traite un bobo, ça fait déjà ça de pris, un autre émerge. Thérapie pour victime d'agressions sexuelles. Puis, thérapie de groupe avec des poquées plus poquées que moi. Ça remonte pas le moral, ça m’enfonce encore plus. Retour à la psy, elle veut mettre tous les maux du monde sur le dos de ma mère. J’ai l’impression qu’elle a pas réglé ses issues avec la sienne.
Au CLSC, tomber en amour avec une thérapeute qui a juste 5 séances à m'offrir, parce qu'on traite les grands brûlés de la vie en un mois, c'est bien connu. S'arracher le coeur à la dernière rencontre. Pétitionner mon docteur pour qu'il prolonge mes séances. C'est interdit qu'on me dit. Se sentir abandonnée, dépossédée.
Retourner en EMDR parce qu’un bully s’est fait ma tête au bureau. Trouble d’adaptation. Rechute du PTSD. En 5 séances, c’est réglé. Le psy prend sa retraite.
In and out, in and out. Thérapisée en série.
Récemment, EMDR encore, cette fois-ci il veut traiter toutes les blessures de ma vie. Vite, il se décourage de l’ampleur de la tâche. Je voulais juste cesser d’avoir peur de refaire une psychose à cause de mon insomnie. On en a pour des années.
Il n’a aucune empathie. Je lui annonce que ma mère a le cancer de la peau, il roule des yeux. Je lui dis que je refais une dépression, il se fâche parce que ça va prolonger la thérapie. Ben laisse faire. Je vais me débrouiller toute seule.
Je vois un psy ces temps-ci. Aux deux semaines quand ça va bien, aux semaines quand ça va moins bien. Comme en ce moment. Lui, patient, m’écoute et m’explique. Cette fois, c’est moi qui paye, je ne me ferai pas montrer la porte après 3 semaines. Je loue le ciel pour mes assurances collectives.
Je vais passer ma vie en thérapie. On ne guérit pas de la bipolarité. On apprend à vivre avec. J’ai compris avec le temps que de payer quelqu’un pour m’écouter, ça m’assure une heure dans ma semaine où c’est juste moi qui compte. Mon bien-être. Ma santé. Et je suis sûre qu’on va m’écouter.
Un psy, ça se magasine. Parce que des fois, ça fitte pas. Et si t’es pas ben avec ton psy, tu seras pas ben nulle part. Choisis celui qui te fait sentir à la maison. Compris. Entendu et vu. C’est précieux. Ça n’a pas de prix.